La province de Luxembourg manque cruellement d'ophtalmologues

03/02/2023

La province de Luxembourg manque cruellement d'ophtalmologues (vidéo)

La docteur Mélanie Lampe souhaite alerter les autorités sur le manque d'ophtalmologues dans la province. D'ici dix ans, ils ne seront plus que quatre.

Jordane MEYER

Publié le 03-02-2023 à 18h07 - Mis à jour le 03-02-2023 à 19h11

Pénurie d'ophtalmologues en province de Luxembourg : les solutions d'une spécialiste

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Elle est la seule à s'être installée comme ophtalmologue en province de Luxembourg sur ces dix-neuf dernières années. Mélanie Lampe, qui exerce à Fauvillers, vient de lancer une pétition concernant le manque de confrères sur le territoire provincial. Un peu plus de 500 signatures ont été récoltées.

« La situation sera intenable »

La province de Luxembourg compte seulement treize ophtalmologues pour 293 000 habitants. "Nous devrions être vingt-neuf, explique la docteur, évoquant ses craintes pour l'avenir. La plupart de mes collègues sont d'un certain âge et si rien ne change, la situation sera intenable. Il faut dix ans d'études pour être ophtalmologue. Et à ce rythme-là, d'ici dix ans, nous ne serons plus que quatre. C'est-à-dire que 6 patients sur 7 devront consulter un ophtalmologue en dehors de la province."

Mélanie Lampe l'affirme, elle n'arrive plus à assurer des soins de santé de qualité pour ses propres patients, tant elle est débordée. Avec l'aide d'une collaboratrice, elle s'occupe de 13 000 personnes, soit une quarantaine par jour à raison de vingt minutes par consultation. Avec, en prime, un délai d'attente de dix-huit mois pour les recevoir. L'ophtalmologue n'accepte d'ailleurs plus de nouveaux patients depuis trois ans.

Dans son cabinet, une affiche collée au mur les invite à se rendre au grand-duché de Luxembourg ou dans les provinces de Liège et Namur. L'objectif ? Avoir un délai de consultation plus court.

"Il nous est déjà arrivé de prendre 5 000 nouveaux patients en l'espace de six semaines. Mais ce n'est plus possible", dit-elle.

Des conséquences sur le long terme

Ce manque de professionnels dans la province aura des conséquences. "Cela entraînera une baisse de vision pour de nombreuses personnes, reprend le Docteur. Comme les personnes âgées atteintes d'une dégénérescence due à leur âge et qui doivent recevoir des injections tous les mois. Elles n'ont pas forcément les moyens financiers et logistiques pour se rendre jusqu'à Bruxelles tous les mois. Elles vont devoir faire une croix sur leur vision et devront être placées parce qu'elles ne verront plus." Mais les personnes âgées ne sont pas les seules concernées. "On va vers une explosion de cas de myopie chez les enfants et nous allons nous retrouver avec des enfants qui ne voient plus en classe, explique-t-elle encore. Il est très fréquent que l'on voie des enfants avec 1/10 de vision. Est-ce que les parents pourront prendre une journée de congé pour aller consulter dans une autre province ? Dans une ère où l'écologie prime, quelle est la logique de demander à 30 personnes par jour de se déplacer sur Liège, Namur ou Bruxelles au lieu de stimuler l'installation d'un médecin sur place ? J'ai essayé jusqu'à il y a peu de continuer à recevoir ces enfants parce que j'avais vraiment du mal à les refuser. Mais force est de constater que ce n'est plus possible, je dois faire une croix dessus au risque de ne plus savoir m'occuper correctement de mes autres patients."

Désarmée face à la situation, Mélanie Lampe regrette également que sa pétition ne rencontre pas grand succès dans le secteur médical.

"Je suis surprise du manque d'engouement de la part de mes confrères médecins dans les grandes villes, dit-elle. Je pense que cela est un sujet qui dérange parce que c'est une atteinte aux libertés du médecin. Mais quelque part, je pense qu'on a tous fait notre métier pour aider les autres. Dans notre serment d'Hippocrate, nous avons promis d'aider nos confrères et tous les patients qui en ont besoin."

Vers un recensement des postes vacants ?

Outre la pétition lancée récemment, la docteur Mélanie Lampe propose également des solutions pour faire face à cette pénurie d'ophtalmologues en province de Luxembourg: "Tout d'abord, il faut que l'on se rende compte que les primes proposées aux professionnels pour venir s'installer en milieu rural ne fonctionnent pas et ne sont pas suffisamment attrayantes. Vous n'attirerez jamais aucun médecin avec une prime sachant que s'il traverse la frontière du Grand-Duché, il aura une réduction d'impôts assez importante."

Les futurs médecins n'occuperaient que les postes vacants

Mélanie Lampe propose donc un recensement des médecins par province et ce, via un programme en ligne sur lequel les médecins actifs peuvent renseigner leur lieu et temps de travail. L'objectif serait d'établir les postes vacants par région et d'anticiper les besoins pour l'avenir. Il faudrait également établir une liste par spécialité et par région du nombre d'équivalents temps plein manquants pour assurer un service minimum à la population locale, dit-elle encore. Cette mesure ne prendrait effet que pour les étudiants n'ayant pas encore entamé leur cursus de médecine. À la fin de leur cursus, ils ne pourraient occuper que les places vacantes dans le pays. Si toutes les places de service minimum ont été attribuées, ils pourraient exercer dans une région de leur choix mais en dehors des régions de nombreux médecins sont déjà installés. "

Dans sa pétition, l'ophtalmologue propose encore qu'en cas d'installation d'un nouveau médecin dans une zone où l'offre médicale est suffisante, alors que les zones en pénurie ne sont pas comblées, un blocage du numéro d'Inami soit prévu si celui-ci n'a pas été autorisé à s'y installer. " Cela permettrait de protéger la patientèle des médecins déjà installés dans les régions où l'offre est suffisante et de mieux répartir l'offre de soins sur le pays ", termine-t-elle.

La pétition est à retrouver en ligne sur le site internet www.change.org.